Mon Lou mon Cœur mon Adorée  
Je donnerais dix ans et plus  
Pour ta chevelure dorée  
Pour tes regards irrésolus  
Pour la chère toison ambrée  
Plus précieuse que n’était  
Celle-là dont savait la route  
Sur la grand-route du Cathai  
Qu’Alexandre parcourut toute  
Circé que son Jason fouettait  
Il la fouettait avec des branches  
De laurier-sauce ou d’olivier  
La bougresse branlait des hanches  
N’ayant plus rien à envier  
En faveur de ses fesses blanches  
Ce qu’à la Reine fit Jason  
Pour ses tours de sorcellerie  
Pour sa magie et son poison  
Je te le ferai ma chérie  
Quand serons seuls à la maison  
Je t’en ferai bien plus encore  
L’amour la schlague et cœtera  
Un cul sera noir comme un Maure  
Quand ma maîtresse arrivera  
Arrive ô mon Lou que j’adore  
Dans la chambre de volupté  
Où je t’irai trouver à Nîmes  
Tandis que nous prendrons le thé  
Pendant le peu d’heures intimes  
Que m’embellira ta beauté  
Nous ferons cent mille bêtises  
Malgré la guerre et tous ses maux  
Nous aurons de belles surprises  
Les arbres en fleurs les Rameaux  
Pâques les premières cerises  
Nous lirons dans le même lit  
Au livre de ton corps lui-même  
— C’est un livre qu’au lit on lit —  
Nous lirons le charmant poème  
Des grâces de ton corps joli  
Nous passerons de doux dimanches  
Plus doux que n’est le chocolat  
Jouant tous deux au jeu des hanches  
Le soir j’en serai raplapla  
Tu seras pâle aux lèvres blanches  
Un mois après tu partiras  
La nuit descendra sur la terre  
En vain je te tendrai les bras  
Magicienne du mystère  
Ma Circé tu disparaîtras  
Où t’en iras-tu ma jolie  
À Paris dans la Suisse ou bien  
Au bord de ma mélancolie  
Ce flot méditerranéen  
Que jamais jamais on n’oublie  
Alors sonneront sonneront  
Les trompettes d’artillerie  
Nous partirons et ron et ron  
Petit patapon ma chérie  
Vers ce qu’on appelle le Front  
J’y ferai qui sait des prouesses  
Comme font les autres poilus  
En l’honneur de tes belles fesses  
De tes doux yeux irrésolus  
Et de tes divines caresses  
Mais en attendant je t’attends  
J’attends tes yeux ton cou ta croupe  
Que je n’attende pas longtemps  
De tes beautés la belle troupe  
M’amie aux beaux seins palpitants  
Et viens-t’en donc puisque je t’aime  
Je le chante sur tous les tons  
Ciel nuageux la nuit est blême  
La lune chemine à tâtons  
Une abeille sur de la crème  
  
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Rêverie sur ta venue  
in Poèmes à Lou  
1914  
Guillaume Apollinaire

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